Le crime du château de l’Ours
Prologue
Témoins du passé, les châteaux et les manoirs sont des monuments impressionnants par leur taille et leur architecture. En les visitant, on est parfois saisi d'une irrépressible curiosité de connaître le quotidien des nobles seigneurs et de leurs dames dans ce passé si lointain et si différent de notre époque moderne. On imagine leur vie nettement plus rude que la nôtre, leur survie menacée par les famines, les épidémies de peste et d’autres maladies éradiquées de nos jours. Leurs convictions étaient souvent alimentées par de sombres superstitions menant à de véritables paranoïas et des pratiques cruelles. Certaines de ces croyances circulent encore de nos jours.
L’attirance pour les vieilles demeures et le goût du mystère sont à l’origine de bon nombre de légendes et d’histoires de fantômes hantant les donjons ou les longs couloirs sombres et froids des manoirs et semant la terreur parmi les vivants.
Le château de l’Ours ne fait pas exception à cette tradition. Situé dans les gorges du Haut-Cher, il fut construit au sommet d’un éperon rocheux vers le début du XIIIe siècle. Cette sauvage demeure des sires de Lignerolles est hantée par une légende sinistre. En effet, c’est en ces lieux que l’infâme Raimbaud aurait enfermé Odile de Montluçon dans le seul but d’abuser d’elle.
Raimbaud était l’écuyer d’Archambaud, le comte de Montluçon. Lorsque celui-ci partit combattre en terre sainte, il confia la garde de sa femme Ermengarde et de ses enfants à Raimbaud. Mal lui en prit ! L’ignoble individu nourrissait une passion secrète pour Odile, la fille aînée de son seigneur. Le comte de Montluçon ne revint pas de croisade, il périt en Palestine. Peu après, Ermengade rendit l’âme à son tour, Raimbaud put alors laisser libre cours à sa passion coupable. Il viola brutalement Odile et l’enferma avec une vieille servante dans ce château isolé dans la nature sauvage. Derrière les murs épais de la bâtisse il infligea une vie de souffrances et de terreur à la jeune femme. Enceinte des œuvres de son bourreau, Odile mit au monde un fils. En grandissant, celui-ci hantait souvent les bois environnants, vêtu d’une peau de bête, ce qui fut peut-être à l’origine de l’appellation « château de l’Ours ». Un jour, ce fils confia le triste de destin de sa mère à un vieux moine habitant l’ermitage de Ste Radegonde. Grâce à cet ermite qui alerta des seigneurs voisins, on put enfin mettre un terme à la torture d’Odile de Montluçon. Raimbaud fut pendu haut et court aux créneaux du château de Montluçon.
Aujourd’hui, la demeure où s’était joué ce drame est en ruines, seul un donjon à survécu aux siècles et s’érige fièrement sur le promontoire rocheux.
Contrairement à la plupart des châteaux, repérables au loin grâce à leur situation en hauteur, le château de l’Ours est abrité par la végétation très dense des gorges du Cher. L’infâme Raimbaud ne l’avait peut-être pas choisi par hasard pour dissimuler ses immondes forfaits.
Le promeneur qui veut s’y rendre doit d’abord entreprendre une traversée forestière ; on se représente alors aisément le noble seigneur perché sur sa monture chassant le gibier sur ses terres. L’environnement devait être sensiblement le même : des arbres, des fougères, une nature plus dense peut-être, dépourvue de sentiers aménagés. Le maître des lieux devait se frayer son chemin à travers les broussailles.
Au bout d’environ dix minutes de marche sur les chemins montant et descendant au gré du relief du sol, le donjon apparaît derrière son écran végétal. Il reste à franchir une volée de marches en pierre et enfin on peut profiter de cet environnement enchanteur. Là-haut on se sent transporté vers une époque révolue. On prend conscience que l’histoire des évènements tragiques qui s’étaient déroulés dans les lieux flotte toujours entre les murs écroulés.
De nos jours, la belle saison amène des touristes et des promeneurs, on pique-nique tout en admirant le paysage splendide, mais durant l’hiver l’accès est difficile. Le chemin accidenté et l’épais tapis de feuilles glissantes découragent les visiteurs. Alors le château retrouve sa solitude, comme à l’époque où Odile de Montluçon désespérait qu’on vienne la délivrer des griffes de son geôlier.
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