Le train de 17 h 06
L’inter cité Lyon-Clermont-Ferrand entra en gare de Clermont-Ferrand avec seulement trois petites minutes de retard. Des grappes de voyageurs se pressaient contre les portes, prêts à bondir sur le quai, comme s’ils craignaient que le train ne reparte sur le champ, les gardant prisonniers de leur compartiment. D’autres, moins nerveux, restaient assis sur les sièges, constatant simplement d’un coup d’œil par la vitre qu’ils étaient arrivés à destination. Une voix grésilla dans le haut parleur :
- Clermont-Ferrand, terminus. Veuillez vérifier de n’avoir rien oublié dans votre compartiment.
Le train s’arrêta sur une petite secousse, provoquant un léger déséquilibre parmi les voyageurs déjà debout, les portes s’ouvrirent et la foule se déversa sur le quai. Certains étaient accueillis par des personnes venues les attendre à la gare, d’autres traînaient leurs valises en direction de la sortie sans regarder autour d’eux.
Monsieur Hunotte faisait partie des solitaires que personne n’était venu accueillir. Assis tout droit sur son siège, il avait attendu prudemment que la secousse de l’arrêt de train soit passée avant de se lever. Il mit alors son pardessus sur son bras, attrapa sa valise dans le porte-bagage et saisit la petite mallette qu’il avait gardée à côté de lui tout au long du voyage. Il jeta un dernier coup d’œil autour de lui. Monsieur Hunotte était un homme qui aimait l’ordre et la discipline.
« Veillez à ne rien oublier », avait-on dit, donc il obtempéra.
Après s’être assuré qu’il avait son illustré, ses lunettes et son paquet de mouchoirs en papier, il descendit du train et suivit le flot des autres voyageurs vers la sortie. Le temps était maussade pour un mois de juillet, il regretta très vite de n’avoir pas enfilé son pardessus. Une petite pluie tombait, et lui fit accélérer son allure habituellement mesurée.
Sa Citroën Picasso l’attendait sur le parking de la gare. Monsieur Hunotte avait pour habitude de réserver ses places de parking en même temps que ses voyages, que ce soit vers Lyon où ailleurs. Il rangea sa valise dans le coffre, monta dans l’habitacle, posa sa mallette sur le siège passager et démarra. En route, il se demanda s’il devait rentrer directement chez lui où s’il serait préférable de faire un petit tour au château auparavant.
Hunotte adorait le château de Murol, c’était SON château. Ancien employé des finances publiques, passionné d’histoire, il avait donné sa démission en début d’année, car il s’était trouvé un gagne-pain plus intéressant et surtout, plus lucratif. Il savait mieux que quiconque organiser des visites guidées à travers ce monument- témoin du passé qu’était le château. Mais ce n’était pas cela qui lui assurait son train de vie confortable, il avait quelques autres affaires plutôt prolifères à gérer. Car Hunotte était conscient du fait que sans compte en banque dodu, on n’était rien. On avait beau prétendre que l’argent ne faisait pas le bonheur, en manquer faisait le malheur de beaucoup. Il s’occupait donc de mettre de l’argent de côté, bien décidé à se préparer une vie dorée lorsque l’âge de la retraite aurait sonné. Loin de lui l’idée de mener une existence morne pleine de privations, comme beaucoup de retraités que la mort venait faucher prématurément alors qu’ils s’ennuyaient ferme après leur vie de labeur. Mais tout ceci était encore loin, Hunotte venait tout juste de fêter ses quarante-cinq printemps.
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